Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/229

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nent loger chez eux. Il tremblait d’éveiller ses soupçons.

— Comme cela, madame, insista-t-il, vous ne vous souvenez aucunement du nom que vous a donné cet homme ?… Voyons, est-ce Mai ?… Faites un effort, rappelez-vous… Mai, Mai !…

— Ah !… j’ai tant de choses dans la tête…

— On pourrait bien, murmura le jeune policier, qui sembla se disposer à sortir, on devrait bien inscrire le nom des voyageurs, comme en Angleterre.

— Mais on les inscrit, monsieur, riposta la femme se rebiffant, et au jour le jour, sur un registre exprès, imprimé, avec des colonnes pour chaque mention… Et au fait, j’y songe, je puis, pour vous obliger, vous montrer mon livre, il est là, dans le tiroir de mon secrétaire… Allons, bon ! voici que je ne trouve plus ma clef…

Pendant que cette hôtelière, d’aussi peu de cervelle, évidemment, que ses oiseaux parleurs, bouleversait tout dans le bureau de son hôtel, Lecoq l’observait en dessous.

C’était une femme de quarante ans environ, très-blonde, conservée comme les blondes qui se conservent, c’est-à-dire fraîche, blanche, dodue, ayant de la santé à plein corset, appétissante à la manière de ces beaux fruits murs dont l’eau savoureuse coule le long des lèvres quand on mord dedans.

Son regard était d’ailleurs droit et franc, elle avait la voix bien timbrée, ses façons étaient simples et parfaitement naturelles.

— Ah ! s’écria-t-elle, triomphante, j’ai cette maudite clef.