Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/235

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jaillit de sa cervelle, si éblouissante, qu’il ne put retenir un cri.

— Je ne suis qu’un sot !

Et il se frappait le front à le briser.

— Est-il possible, poursuivait-il, que moi, si fort en théorie, je devienne d’une si pitoyable faiblesse dès que je passe à la pratique ! Ah ! je ne suis qu’un enfant encore, un conscrit, qu’un rien surprend et jette hors du bon chemin. Je me trouble, la tête me tourne et je perds jusqu’à la faculté de raisonner.

Or, réfléchissons froidement :

Comment avais-je tout d’abord jugé ce prévenu, dont le système nous tient en échec ?

Je m’étais dit : celui-là est un homme d’un génie supérieur, d’une expérience et d’une pénétration consommées, audacieux, d’un sang-froid à toute épreuve et qui tentera l’impossible pour assurer le succès de sa comédie.

Oui, voilà ce que je disais, et à la première circonstance que je ne m’explique pas, là, sur-le-champ, je jette le manche après la cognée.

Il tombe sous le sens, pourtant, qu’un homme d’une prodigieuse habileté ne saurait avoir recours à des manœuvres vulgaires. Devais-je espérer qu’il coudrait ses malices de fil blanc !

Allons donc !… plus les apparences sont contre mes présomptions et en faveur de la version du détenu, plus il est sûr que j’ai raison !… ou la logique n’est plus la logique.

Le jeune policier éclata de rire et ajouta :

— Seulement, exposer cette théorie à la Préfecture