Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/252

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fois, quand j’étais seule, d’aucuns voulaient pousser la plaisanterie un peu loin… Vous me direz que j’ai le poignet solide, et c’est vrai ; aussi j’aurais peut-être patienté… Mais quand je m’absentais il y en avait qui étaient assez bêtes pour faire boire de l’eau-de-vie au petit, au point qu’une fois en rentrant je l’ai trouvé comme mort, roide déjà et tout froid, et il a fallu courir chercher le médecin.

Elle s’arrêta court, la pupille dilatée. De rouge elle était devenue livide, et c’est d’une voix étranglée qu’elle cria à son fils :

— Toto !… Malheureux !…

Lecoq regarda autour de lui, et frissonna ; il avait compris. Cet enfant, qui n’avait pas cinq ans, s’était glissé à quatre pattes près de lui, et lui fouillait dans les poches de son paletot, il le volait, il le dévalisait… et adroitement.

— Eh bien !… oui, s’écria l’infortunée en fondant en larmes, oui, il y avait encore cela ! Dès que je perdais le petit de vue, des gens l’attiraient dehors. Ils l’emmenaient dans des endroits où il y a du monde, et ils lui apprenaient à chercher dans les poches et à leur apporter ce qu’il y trouvait. Si on s’apercevait de quelque chose, ils se fâchaient très-haut contre l’enfant et le battaient… Si personne ne voyait rien, ils lui donnaient un sou pour du sucre d’orge et gardaient ce qu’il avait pris.

Elle cacha son visage entre ses mains, et, d’une voix inintelligible, ajouta :

— Et moi, je ne veux pas que mon petit soit un voleur.

Ce qu’elle ne disait pas, la pauvre créature, c’est que