Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/300

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Angleterre, il résultait qu’on y connaissait très-bien un sieur Simpson, en grande réputation sur tous les champs de foire.

Devant de telles preuves le directeur se rendit, et avoua hautement qu’il s’était trompé.

« Le prévenu Mai, écrivit-il au juge d’instruction, est bien réellement et véritablement ce qu’il prétend être ; les doutes à cet égard ne sont plus possibles. »

Ce fut en dernier lieu l’avis de Gévrol.

Ainsi M. Segmuller et Lecoq restaient seuls de leur opinion.

Il est vrai que seuls ils étaient bons juges, puisque seuls ils connaissaient tous les détails d’une instruction demeurée strictement secrète.

Mais peu importe ! Lutter contre tout le monde est toujours pénible, sinon dangereux, eût-on d’ailleurs mille et mille fois raison.

« L’affaire Mai, » on lui donnait ce nom, avait transpiré ; et si le jeune policier était accablé de quolibets grossiers dès qu’il paraissait à la Préfecture, le juge d’instruction n’était pas à l’abri d’amicales ironies.

Plus d’un juge, en le rencontrant dans la galerie, lui demandait, le sourire aux lèvres, ce qu’il faisait de son Gaspard Hauser, de son homme au masque de fer, de son mystérieux saltimbanque…

De là chez M. Segmuller et chez Lecoq, cette exaspération de l’homme qui, ayant la certitude absolue d’une chose, ne peut cependant en démontrer l’exactitude.

Ils en perdaient l’appétit l’un et l’autre, ils en maigrissaient, ils en verdissaient.

— Mon Dieu !… disait parfois le juge, pourquoi d’Es-