Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/349

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Il s’en allait le plus paisiblement du monde, les mains dans ses poches, la tête haute et la mine assurée.

Avait-il réfléchi qu’il est très-dangereux de courir aux environs d’une prison dont on vient de s’enfuir ? Ne se disait-il pas plutôt que si on l’avait laissé s’évader, ce n’était pas, à coup sûr, pour le reprendre tout de suite ?

Bientôt il fut clair que cette dernière considération dictait seule sa conduite, et qu’il s’estimait fort en sûreté, tout en sachant bien qu’il devait être surveillé.

Il ne se hâta nullement, lorsqu’il eût dépassé le pont au Change, et c’est du même train insolemment tranquille d’un promeneur, qu’il suivit le quai aux Fleurs et s’engagea dans la rue de la Cité.

Rien de suspect en lui ne trahissait le prisonnier évadé. Depuis que sa malle, — cette fameuse malle qu’il prétendait avoir déposée à l’hôtel de Mariembourg, — lui avait été rendue, il ne manquait jamais, quand il allait à l’instruction, de mettre ses plus beaux effets.

Il portait, ce jour-là, une redingote, un gilet et un pantalon de drap noir. On devait, en le voyant passer, le prendre pour un ouvrier aisé, endimanché en l’honneur de la Saint-Lundi.

Mais lorsqu’après avoir passé la Seine il arriva rue Saint-Jacques, ses allures changèrent.

Il parut s’orienter en homme qui ne se reconnaît plus dans un quartier qui lui était autrefois familier. Sa marche, parfaitement sûre jusqu’alors, devint indécise. Il avançait maintenant le nez en l’air, regardant de droite et de gauche, épiant les enseignes.

— Évidemment il cherche quelque chose, pensait Lecoq, mais quoi ?…