Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/37

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ses espérances, l’écroulement de l’ingénieux échafaudage bâti par son imagination sur un seul mot.

Plus de mystère, partant plus d’enquête triomphante, plus de célébrité gagnée du soir au lendemain par un coup d’éclat !

La présence de deux femmes dans ce coupe-gorge expliquait tout de la façon la plus naturelle et la plus vulgaire.

Elle expliquait la lutte, le témoignage de la veuve Chupin, la déclaration du faux soldat mourant.

L’attitude du meurtrier devenait toute simple. Il était resté pour couvrir la retraite de deux femmes ; il s’était livré pour ne les pas laisser prendre, acte de chevaleresque galanterie, si bien dans le caractère français, que les plus tristes coquins des barrières en sont coutumiers.

Restait cette allusion si inattendue à la bataille de Waterloo. Mais que prouvait-elle maintenant ? Rien.

Qui ne sait où une passion indigne peut faire descendre un homme bien né !… Le carnaval justifiait tous les travestissements…

Mais pendant que Lecoq tournait et retournait dans son esprit toutes ces probabilités, le père Absinthe s’impatientait.

— Allons-nous rester plantés ici pour reverdir ? dit-il. Nous arrêtons-nous juste au moment où notre enquête donne des résultats si brillants ?…

Des résultats brillants !… Ce mot blessa le jeune policier autant que la plus amère ironie.

— Ah ! laissez-moi tranquille !… fit-il brutalement, et surtout n’avancez pas dans le jardin, vous gâteriez les empreintes.