Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/393

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— Oh !… tout de même. Je n’ai pas plus de fiel qu’un poulet, et votre face me revient. De quoi s’agit-il ?…

— Je désirerais quelques renseignements sur votre complice de cette nuit ?

La physionomie de l’homme au feutre se rembrunit à cette question.

— Ce n’est certainement pas moi qui les donnerai, répondit-il.

— Pourquoi ?

— Parce que je ne le connais pas ; je ne l’avais jamais tant vu que hier soir.

— C’est difficile à croire. Pour une expédition comme celle de cette nuit, on ne se fie pas au premier venu. Avant de « travailler » avec un homme, on s’informe…

— Eh !… interrompit Couturier, je ne dis pas que je n’ai pas fait une bêtise. Je m’en mords assez les doigts, allez !… On ne m’ôtera pas de l’idée, voyez-vous, que ce lapin-là est un agent de la sûreté. Il m’a tendu un piége, j’y ai donné… C’est bien fait pour moi ; il ne fallait pas y aller !…

— Tu te trompes, mon garçon, prononça Lecoq. Cet individu n’appartient pas à la police, je t’en donne ma parole d’honneur.

Pendant un bon moment, Couturier examina le jeune policier d’un air sagace, comme s’il eût espéré reconnaître s’il disait vrai ou non.

— Je vous crois, dit-il enfin, et la preuve, c’est que je vais vous conter comment les choses se sont passées. Je dînais seul, hier soir, chez un traiteur, tout en haut de la rue Mouffetard, quand ce gars-là est venu s’asseoir à