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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/402

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Et pourtant, le jaloux inspecteur sut habilement exploiter une erreur de ce précieux volontaire.

Entêté comme tous les gens passionnés, le père Tabaret faillit, une fois, faire couper le cou à un innocent, un pauvre petit tailleur accusé d’avoir tué sa femme.

Ce malheur refroidit le bonhomme, les dégoûts dont on l’abreuva l’éloignèrent. Il ne parut plus que rarement à la Préfecture.

Mais en dépit de tout, il resta l’oracle, pareil à ces grands avocats qui, dégoûtés de la barre, triomphent encore dans leur cabinet, et prêtent aux autres des armes qu’il ne leur convient plus de manier.

Quand, rue de Jérusalem, on ne savait plus à quel saint se vouer, on disait : « Allons consulter Tirauclair !… »

Car ce fut là un nom de guerre, un sobriquet emprunté à une phrase : « Il faut que cela se tire au clair, » qu’il avait toujours à la bouche.

Peut-être ce sobriquet l’aida-t-il à dérober le secret de ses occupations policières. Aucun de ses amis ne le soupçonna jamais.

Son existence accidentée, quand il suivait une enquête, les étranges visites qu’il recevait, ses préoccupations constantes, il avait su faire mettre tout cela sur le compte d’une galanterie hors de saison.

Son concierge était dupe comme ses amis et ses voisins.

On jasait de ses prétendus débordements, on riait de ses nuits passées dehors, on l’appelait vieux roquentin, vieux coureur de guilledou…