Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/408

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part. Lecoq, mon garçon, il faut que je te le dise, et je m’y connais, tu t’es conduit comme un ange.

— Ne voudriez-vous pas dire comme un sot ? demanda le défiant policier.

— Non, mon ami, certes non, Dieu m’en est témoin. Tu viens de réjouir mon vieux cœur ; je puis mourir, j’aurai un successeur. Je voudrais t’embrasser, au nom de la logique. Ah ! ce Gévrol qui t’a trahi, — car il t’a trahi, n’en doute pas, et je te donnerai le moyen de le convaincre de perfidie, — cet obtus et entêté Général n’est pas digne de brosser ton chapeau…

— Vous me comblez, monsieur Tabaret !… interrompit Lecoq, qui n’était pas bien sûr qu’on ne se moquât pas de lui ; mais avec tout cela, Mai a disparu, et je suis perdu de réputation avant d’avoir pu commencer ma réputation.

Le bonhomme eut une grimace de singe épluchant une noix.

— Oh ! attends, reprit-il, avant de repousser mes éloges. Je dis que tu as bien mené cette affaire, mais on pouvait la mener mieux, infiniment mieux !… Cela s’explique. Tu es doué, c’est incontestable ; tu as le flair, le coup d’œil, tu sais déduire du connu à l’inconnu… seulement l’expérience te manque, tu t’enthousiasmes ou tu te décourages pour un rien, tu manques de suite, tu t’obstines à tourner autour d’une idée fixe comme un papillon autour d’une chandelle… Enfin tu es jeune. Sois tranquille, c’est un défaut qui passera tout seul et trop tôt. Pour tout dire, tu as commis des fautes.

Lecoq baissait la tête comme l’élève recevait la leçon