Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/69

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eût été attiré par les lueurs qui s’échappaient de la porte.

Mais il suffisait d’un regard à l’intérieur pour mettre en fuite les plus braves.

En moins d’une seconde, le jeune policier avait envisagé toutes ces probabilités, mais il n’en avait soufflé mot au père Absinthe.

C’est que, peu à peu, l’ivresse de sa joie et de ses espérances s’était dissipée, il était revenu à son calme habituel et, faisant un retour sur soi, il n’était pas enchanté de sa conduite.

Qu’il expérimentât son système d’investigations sur le père Absinthe, comme l’apprenti tribun essaie sur ses amis ses moyens oratoires, rien de mieux.

Même, il avait accablé de sa supériorité le vétéran de la rue de Jérusalem, il l’en avait écrasé.

Le beau mérite et la rare victoire !… Le bonhomme était un bêta ; lui, Lecoq, se croyait très-fin… Était-ce une raison pour se pavaner et faire la roue ?…

Si encore il eût donné de sa force et de sa pénétration une preuve éclatante !… Mais qu’avait-il fait ?… Le mystère était-il éclairci ?… Le succès cessait-il d’être problématique ?… Pour un fil tiré, l’écheveau n’est pas débrouillé.

Cette nuit-là, sans doute, alors que se décidait son avenir de policier, il se jura que, s’il ne parvenait pas à se guérir de sa vanité, il s’efforcerait de la dissimuler.

C’est donc d’un ton fort modeste qu’il s’adressa à son compagnon :

— Nous en avons fini avec le dehors, dit-il ; ne serait-il pas sage de nous occuper de l’intérieur ?…