Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 1.djvu/82

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en croire le chiffre des boutons de sa capote, appartenait au 53e régiment alors caserné dans les forts.

Moins encore que le commissaire, l’inspecteur de la sûreté s’inquiétait.

Il allait sifflotant, décrivant des moulinets avec sa canne qui ne le quitte jamais, se faisant fête de la déconfiture de ce drôle présomptueux qui avait voulu rester pour glaner là où il n’avait pas aperçu de moisson.

Aussi, dès qu’il fut à portée de voix, interpella-t-il le père Absinthe, lequel, après avoir prévenu Lecoq, était resté sur le seuil de la porte, adossé aux montants, tirant et renvoyant régulièrement des bouffées de sa pipe, immobile comme un sphinx fumeur.

— Eh bien !… vieux, cria Gévrol, avez-vous à nous raconter un bon gros mélodrame, bien noir et bien mystérieux ?

— Je n’ai rien à raconter, moi, répondit le bonhomme, sans retirer la pipe soudée à ses lèvres, je suis trop bête, c’est connu… Mais monsieur Lecoq pourrait bien vous apprendre quelque chose sur quoi vous n’avez pas compté.

Ce titre : Monsieur, dont le vieil agent de la sûreté gratifiait son camarade, déplut si fort à Gévrol qu’il ne voulut pas comprendre.

— Qui ça… fit-il, de qui parles-tu ?

— De mon collègue, parbleu !… qui est en train de finir son rapport, de monsieur Lecoq, enfin.

Sans malice, assurément, le bonhomme venait d’être le parrain du jeune policier. De ce jour, pour ses ennemis aussi bien que pour ses amis, il devint et resta Monsieur Lecoq. Monsieur, en toutes lettres.