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Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/132

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faut-il pour vous jeter en prison ?… Une démarche mal interprétée, une lettre, un mot… La frontière est proche, allez attendre à l’étranger des temps plus heureux…

— C’est ce que je ne ferai pas, dit fièrement M. d’Escorval.

Son accent n’admettait pas de discussion, Lacheneur ne le comprit que trop, et il parut désespéré.

— Ah !… vous êtes comme l’abbé Midon, fit-il d’une voix sourde, vous ne voulez pas croire… Qui sait cependant ce qui peut vous en coûter d’être venu ici ce matin ? Enfin, il est dit que nul ne peut fuir sa destinée. Mais si quelque jour la main du bourreau s’abattait sur votre épaule, rappelez-vous que je vous ai prévenu, et ne me maudissez pas…

Il dit… et voyant que cette sinistre prophétie n’ébranlait pas le baron, il lui serra la main comme pour un suprême adieu, et alla ouvrir la porte au marquis de Sairmeuse.

Martial était peut-être {{corr}dépite|dépité}} de rencontrer M. d’Escorval ; il ne l’en salua pas moins avec une politesse étudiée, et tout aussitôt il se mit à raconter gaiement à M. Lacheneur que les objets choisis par lui au château venaient d’être chargés sur des charrettes qui allaient arriver…

M. d’Escorval n’avait plus rien à faire dans cette maison. Parler à Marie-Anne était impossible ; Chanlouineau et Jean la gardaient à vue.

Il se retira donc… et lentement, poigné par les plus cruelles angoisses, il redescendit cette côte de la Rèche que deux heures plus tôt il gravissait le cœur plein d’espoir.

Qu’allait-il dire au pauvre Maurice ?…

Il arrivait au petit bois de pins, quand un pas jeune et leste, sur le sentier, le fit se retourner.

Le marquis de Sairmeuse arrivait, lui faisant signe. Il s’arrêta, très-surpris. Martial l’aborda avec cet air de juvénile franchise qu’il savait si bien prendre, et d’un ton brusque :