Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/183

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Il prêta l’oreille et attendit… Rien. Nulle décharge ne répondait à cette décharge. Il pouvait y avoir eu boucherie, combat, non.

Lacheneur comprit tout ; il devina la sanglante échauffourée ; il vit tous ces paysans soulevés à sa voix, mitraillés à bout portant.

Ah ! toutes ces balles, il eût voulu les avoir dans la poitrine.

De nouveau, il éperonna les flancs de son cheval, et sa course devint plus furieuse encore.

Il traversa comme le vent le carrefour de la Croix-d’Arcy ; il était vide. À l’entrée d’un des chemins était arrêté le cabriolet qui avait amené M. d’Escorval et l’abbé Midon ; personne ne s’en était inquiété.

Enfin, M. Lacheneur aperçut les fuyards.

Il poussa droit à eux, les chargeant des plus horribles malédictions et les accablant d’injures.

— Lâches !… vociférait-il, traîtres !… Vous fuyez et vous êtes dix contre un !… Où courez-vous ainsi ?… Chez vous ? Insensés ! vous y trouverez les gendarmes qui vous attendent pour vous conduire à l’échafaud. Ne vaut-il pas mieux mourir les armes à la main ! Allons… volte-face, suivez-moi ! Nous pouvons vaincre encore. Je vous amène du renfort, deux mille hommes me suivent…

Il promettait deux mille hommes, il en eût promis dix mille, cent mille… Il eût promis aussi bien une armée et du canon…

Mais eût-il eu tout cela, à moins d’employer la force, il n’eût pas arrêté la déroute… Il fut entraîné comme la branche morte par le torrent.

Au carrefour de la Croix-d’Arcy seulement, à cet endroit d’où une heure auparavant ils parlaient pleins de confiance, les gens de cœur purent se reconnaître et se compter, pendant que les autres précipitaient leur course dans toutes les directions…

Une centaine de conjurés, les plus braves et les plus compromis, entouraient M. Lacheneur.