Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/216

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mettre gravement que de rendre un service, si léger qu’il pût paraître, à la femme d’un homme sous le poids de la plus terrible des accusations.

Mme d’Escorval et Marie-Anne parlaient déjà de se mettre en route à pied, quand le caporal Bavois, indigné de tant de lâcheté, jura par le sacré nom d’un tonnerre que cela ne se passerait pas ainsi.

— Minute ! dit-il, je me charge de la chose !…

Il s’éloigna, et un quart d’heure après reparut, traînant par le licol une vieille jument de labour, bien lente, bien lourde, qu’on harnacha tant bien que mal et qu’on attela au cabriolet… On irait au pas, mais on irait.

À cela ne devait pas se borner la complaisance du vieux troupier.

Sa mission était terminée, puisque M. d’Escorval était arrêté, et il n’avait plus qu’à rejoindre son régiment.

Il déclara donc qu’il ne laisserait pas des « dames » voyager seules, de nuit, sur une route où elles seraient exposées à de fâcheuses rencontres, et qu’il les escorterait avec ses deux grenadiers…

— Et tant pis pour qui s’y frotterait, disait-il en faisant sonner la crosse de son fusil sous sa main nerveuse, pékin ou militaire, on s’en moque ! pas vrai, vous autres ?

Comme toujours, les deux hommes approuvèrent par un juron.

Et en effet, tout le long de la route, Mme d’Escorval et Marie-Anne les aperçurent précédant ou suivant la voiture, marchant à côté le plus souvent.

Aux portes de Montaignac seulement, le vieux soldat quitta ses « protégées, » non sans les avoir respectueusement saluées, tant en son nom qu’en celui de ses deux hommes, non sans s’être mis à leur disposition si elles avaient jamais besoin de lui, Bavois, caporal de grenadiers, 1re compagnie, caserné à la citadelle…

Dix heures sonnaient, quand Mme d’Escorval et Marie--