Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/218

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C’est-à-dire que le duc de Sairmeuse et le marquis de Courtomieu, relégué au second plan par la mise en état du siège, passaient la revue des prisonniers…

Ils en avaient trois cents, et ils avaient décidé qu’ils choisiraient dans ce nombre, pour les livrer à la commission, les trente plus coupables.

Comment les choisirent-ils, à quoi reconnurent-ils le degré de culpabilité de chacun de ces malheureux ?… Ils eussent été bien embarrassés de le dire.

Ils allaient de l’un à l’autre, posaient quelques questions au hasard, et, d’après ce que l’homme terrifié répondait, selon qu’ils lui trouvaient une bonne ou une mauvaise figure, ils disaient au greffier qui les accompagnait : — « Pour demain, celui-là… » ou « pour plus tard, cet autre. »

Au jour, il y avait trente noms sur une feuille de papier, et les deux premiers étaient ceux du baron d’Escorval et de Chanlouineau.

Aucun des infortunés réunis à l’Hôtel de France ne pouvait soupçonner cela, et cependant ils suèrent leur agonie pendant cette nuit, qui leur parut éternelle…

Enfin l’aube fit pâlir la lampe, on entendit battre la diane à la citadelle ; l’heure où il était possible de commencer de nouvelles démarches arriva…

L’abbé Midon annonça qu’il allait se rendre seul chez le duc de Sairmeuse, et qu’il saurait bien forcer les consignes…

Il avait baigné d’eau fraîche ses yeux rougis et gonflés, et il se disposait à sortir, quand on frappa discrètement à la porte de la chambre.

Maurice cria : « entrez, » et tout aussitôt M. Langeron se présenta.

Sa physionomie seule annonçait un grand malheur, et en réalité, le digne homme était consterné.

Il venait d’apprendre que la « commission militaire » était constituée.

Au mépris de toutes les lois humaines et des règles les plus vulgaires de la justice, la présidence de ce tribunal