Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/227

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Cela fut dit à M. de Sairmeuse ; il se retourna vers eux en leur faisant signe d’approcher ; puis, leur montrant Chanlouineau :

— Voulez vous, demanda-t-il, vous charger de la défense de ce coupable ?

Les avocats furent un instant sans répondre. Cette séance monstrueuse les impressionnait vivement, et ils se consultaient du regard.

— Nous sommes tout disposés à défendre le prévenu, répondit enfin le plus âgé, mais nous le voyons pour la première fois, nous ignorons ses moyens de défense, un délai nous est indispensable pour conférer avec lui…

— Le conseil ne peut vous accorder aucun délai, interrompit M. de Sairmeuse, voulez-vous, oui ou non, accepter la défense ?…

L’avocat hésitait, non qu’il eût peur, c’était un vaillant homme, mais parce qu’il cherchait quelque argument assez fort pour troubler la conscience de ces juges.

— Et si nous refusions ?… interrogea-t-il.

Le duc de Sairmeuse laissa voir un mouvement d’impatience.

— Si vous refusez, dit-il, je donnerai pour défenseur d’office à ce scélérat, le premier tambour qui me tombera sous la main.

— Je parlerai donc, dit l’avocat, mais non sans protester de toutes mes forces contre cette façon inouïe de procéder…

— Oh !… faites-nous grâce de vos homélies… et soyez bref.

Après l’interrogatoire de Chanlouineau, improviser là, sur-le-champ, une plaidoirie, était difficile. Pourtant le courageux défenseur puisa dans son indignation des considérations qui eussent fait réfléchir un autre tribunal.

Pendant qu’il parlait, le duc de Sairmeuse s’agitait sur son fauteuil doré, avec toutes les marques de la plus impertinente impatience…

— C’est bien long, prononça-t-il, dès que l’avocat eut