Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

décidé que la noce aurait lieu au château de Sairmeuse, transformé à grands frais en un palais féerique.

C’est dans l’église du petit village de Sairmeuse, par la plus belle journée du monde, que ce mariage fut béni par le curé qui avait remplacé le pauvre abbé Midon.

À la fin de l’allocution emphatique qu’il adressa aux « jeunes époux, » il prononça ces paroles qu’il croyait prophétiques :

— Vous serez, vous devez être heureux !…

Qui n’eût cru comme lui ? Ne réunissaient-ils pas, ces beaux jeunes gens, si nobles et si riches, toutes les conditions qui semblent devoir faire le bonheur !…

Et cependant, si une joie dissimulée éclatait dans les yeux de la nouvelle marquise de Sairmeuse, les observateurs remarquèrent la préoccupation du mari. On eût dit qu’il faisait effort pour écarter des pensées sinistres.

C’est qu’en ce moment, où sa jeune femme se suspendait radieuse et fière à son bras, le souvenir de Marie-Anne lui revenait, plus palpitant, plus obstiné que jamais.

Qu’était-elle devenue, qu’on ne l’avait pas vue lors de l’exécution de Lacheneur ? Courageuse comme il la savait, il se disait que si elle n’avait pas paru, c’est qu’elle n’avait rien su…

Ah !… s’il eût été aimé d’elle, oui, véritablement il se fût cru heureux… Tandis que maintenant, il était lié pour la vie à une femme qu’il n’aimait point…

Au dîner, cependant, il réussit à secouer la tristesse qui l’avait envahi, et quand les convives se levèrent de table pour se répandre dans les salons, il avait presque oublié ses noirs pressentiments.

Il se levait, à son tour, quand un domestique mystérieusement s’approcha de lui.

— On demande M. le marquis en bas, dit ce valet à voix basse.

— Qui ?…