Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/39

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prits, le curé de Sairmeuse entreprit d’attaquer les illusions de cet obstiné vieillard.

Mais le duc, sur ce chapitre, n’entendait pas raillerie, et il commençait à jurer des jarnibleu à ébranler le presbytère, lorsque Bibiane se montra à la porte du salon.

— Monsieur le duc, dit-elle, il y a là M. Lacheneur et sa demoiselle qui désireraient vous parler.


IV


Ce nom de Lacheneur n’éveillait aucun souvenir dans l’esprit du duc.

D’abord, il n’avait jamais habité Sairmeuse…

Puis, quand même !… Est-ce que jamais courtisan de l’ancien régime daigna s’inquiéter des noms qui distinguaient entre eux ces paysans qu’il confondait dans sa profonde indifférence !

Ces gens-là, on les appelait : holà !… hé !… l’ami !… mon brave !…

C’est donc de l’air d’un homme qui fait un effort de mémoire, que le duc de Sairmeuse répétait :

— Lacheneur… M. Lacheneur….

Mais Martial, observateur plus attentif et plus pénétrant que son père, avait vu le regard du curé vaciller à ce nom, jeté à l’improviste par Bibiane.

— Qu’est-ce que cet individu, l’abbé ? demanda le duc d’un ton léger.

Si maître de soi que fût le prêtre, si habitué qu’il fût depuis des années, à garder le secret de ses impressions, il dissimulait mal une cruelle inquiétude.

— M. Lacheneur, répondit-il avec une visible hésitation, est le possesseur actuel du château de Sairmeuse.