Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/428

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ne vit pas tranquille avec deux gredins comme ceux-là après ses chausses, et les promenades surtout ne valent rien…

Ce qui irritait particulièrement le vieux maraudeur, c’est qu’après deux mois de la surveillance la plus attentive, il était arrivé à cette conviction que si Martial et Marie-Anne avaient eu des relations autrefois, tout était fini entre eux.

C’était ce dont Mme Blanche ne voulait pas convenir.

— Dites qu’ils sont plus fins que vous, père Chupin ! répondait-elle.

— Fins !… et comment ?… Depuis que j’épie M. Martial, il n’a pas dépassé une seule fois les fortifications de Montaignac. D’un autre côté, le facteur de Sairmeuse, adroitement interrogé par ma femme, a déclaré qu’il n’avait pas porté une seule lettre à la Borderie…

Il est sûr que sans l’espoir d’une douce et sûre retraite à Courtomieu, Chupin eût brusquement abandonné la partie…

Et même, en dépit de cette perspective, et malgré des promesses sans cesse renouvelées, dès le milieu du mois d’août, il avait presque entièrement cessé toute surveillance.

S’il venait encore aux rendez-vous, c’est qu’il avait pris la douce habitude de réclamer à chaque fois quelque argent pour ses frais.

Et quand Mme Blanche lui demandait, comme toujours, l’emploi du temps de Martial, il racontait effrontément tout ce qui lui passait par la tête.

Mme Blanche s’en aperçut. C’était au commencement de septembre. Un jour, elle l’interrompit dès les premiers mots, et le regardant fixement :

— Ou vous me trahissez, dit-elle, ou vous n’êtes qu’un imbécile… choisissez. Hier, Martial et Marie-Anne se sont promenés ensemble un quart d’heure au carrefour de la Croix-d’Arcy.