Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/452

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— Peut-être accepteriez-vous un verre de vin ?…

— Non, merci, sans compliment, il faut que je rentre… Au revoir, mademoiselle Lacheneur.

— Au revoir, Poignot.

Ce nom de Poignot n’apprenait rien à Mme Blanche…

Ah ! si elle eût entendu prononcer le nom de M. d’Escorval, de la baronne ou de l’abbé Midon, ses certitudes eussent été troublées, sa résolution eût chancelé, et qui sait alors !

Mais non, rien !… Le fils Poignot, pour désigner le baron, avait dit : « le monsieur, » Marie-Anne disait : « Il… »

« Il… » n’est-ce pas toujours celui qui emplit et obsède notre pensée, ami ou ennemi, le mari qu’on hait ou l’amant qu’on adore.

« Le monsieur !… Il !… » Mme Blanche traduisait Martial.

Oui, pour elle c’était le marquis de Sairmeuse qui devait arriver à minuit, elle l’eût juré, elle en était sûre.

C’était lui qui s’était fait précéder de ce commissionnaire chargé de paquets.

Que faisait-il apporter ainsi ? Des objets sans doute qu’il avait l’habitude de trouver sous la main et qui lui manquaient. Il envoyait des hardes… Mme Blanche l’avait bien entendu : des hardes !…

C’est-à-dire qu’il se trouvait si bien à la Borderie, qu’il y complétait son installation, il s’y établissait, il y voulait être chez lui. Peut-être était-il las du mystère, et se proposait-il d’y vivre ouvertement, au mépris de son rang, de sa dignité, de ses devoirs, sans souci des préjugés et des idées reçues…

Voilà quelles conjectures, pareilles à de l’huile sur un brasier, enflammaient la haine de Mme Blanche.

Comment, après cela, eût-elle hésité ou tremblé !…

Elle ne tremblait, en vérité, que d’être découverte dans sa cachette…

Tante Médie était, il est vrai, dans le jardin, mais