Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/67

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du roi, et chacun, pour soi, pour ses parents, pour ses amis, avait quelque requête à faire appuyer…

Pauvre roi !… il eût eu la France entière à partager comme du gâteau entre tous ces appétits, qu’il ne les eût pas satisfaits…

Ce soir-là, après un grand dîner au château de Courtomieu, le duc coucha au château de Sairmeuse, dans la chambre qu’avait occupée Lacheneur, comme Louis XVIII, disait-il en riant, dans la chambre de « Buonaparte. »

Il était gai, causeur, plein de confiance dans l’avenir.

— Ah !… on est bien chez soi, répétait-il à son fils.

Mais Martial ne répondait que du bout des lèvres.

Sa pensée était obsédée par le souvenir de deux femmes qui, dans cette journée, l’avaient ému, lui si peu accessible à l’émotion. Il songeait à ces deux jeunes filles si différentes :

Blanche de Courtomieu… Marie-Anne Lacheneur.

VIII


Ceux-là seuls qui, aux jours radieux de l’adolescence, ont aimé, ont été aimés et ont vu, tout à coup, s’ouvrir entre eux et le bonheur un abîme infranchissable, ceux-là seuls peuvent comprendre la douleur de Maurice d’Escorval.

Tous les rêves de sa vie, tous ses projets d’avenir reposaient sur son amour pour Marie-Anne.

Cet amour lui échappant, l’édifice enchanté de ses espérances s’écroulait, et il gisait foudroyé au milieu des ruines.

Sans Marie-Anne, il n’apercevait ni but, ni sens à son existence.