Page:Gaboriau - Monsieur Lecoq, Dentu, 1869, tome 2.djvu/77

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moi !… Mais si on fuit le château d’un père riche et heureux, on ne déserte pas la masure d’un père désespéré et misérable. Laissez-moi, Maurice, où m’attache l’honneur… Je saurai devenir paysanne, moi, fille de vieux paysans. Partez… je n’ai pas trop de toute mon énergie. Partez et dites-vous qu’on ne saurait être complètement malheureux avec la conscience du devoir accompli…

Maurice voulait répondre, un bruit de branches sèches brisées lui fit tourner la tête.

À dix pas, Martial de Sairmeuse était debout, immobile, appuyé sur son fusil de chasse.

X


Le duc de Sairmeuse avait peu et mal dormi, la nuit de son retour, la première nuit de sa Restauration, ainsi qu’il disait.

Si inaccessible qu’il se prétendît aux émotions qui agitent les gens du commun, les scènes de la journée l’avaient profondément remué.

Il n’avait pu se défendre de plus d’un retour vers le passé, lui qui cependant s’était fait une loi de ne jamais réfléchir.

Tant qu’il avait été sous les yeux des paysans ou des convives du château de Courtomieu, il avait mis son honneur à paraître froid ou insouciant. Une fois enfermé dans sa chambre, il s’abandonna sans contrainte à l’excès de sa joie.

Elle était immense et tenait presque du délire.

Seul, il eût pu dire, mais il s’en fût bien gardé, quel prodigieux service lui rendait Lacheneur en restituant Sairmeuse.