Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/149

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que vous vous trouviez, si je voulais vous voir une fois encore, vous obéirez au message mystérieux que vous portera cette tresse, quand je vous la ferai parvenir. Ce message voudra dire : « La femme qui vous envoie ce gage n’ignore pas que vous ne partagez plus son amour ; mais, elle n’a pu, malgré tous ses efforts, chasser le sien de son cœur, et elle désire vous voir encore une fois à ses genoux comme aujourd’hui. »

— Je le jure s’écria don Rafael, et, dussé-je avoir le poignard levé sur mon plus mortel ennemi, ma main restera suspendue sans frapper, pour suivre votre messager.

— Votre serment est enregistré dans le ciel ! s’écria Gertrudis. Maintenant, le temps presse. Emportez aussi cette écharpe de soleil, que j’ai brodée pour vous. Chaque brin de soie qui en compose la broderie vous rappellera une pensée, une prière ou un soupir dont vous avez été l’objet. Adieu, mon Rafael bien-aimé ; partez, les heures de votre père sont peut-être comptées ! Qu’est-ce qu’une amante auprès de son père ?

— Oui, c’est vrai, je dois partir, » répliqua l’officier.

Et cependant il restait toujours aux genoux de Gertrudis. Le temps s’écoulait, et, comme dans l’Océan la vague succède éternellement à la vague, ainsi les adieux suivaient les adieux, et don Rafael ne partait pas.

« Mais dis-lui donc qu’il s’en aille, Marianita ! s’écria Gertrudis d’une voix languissante ; ne vois-tu pas que je n’ai plus la force de le lui dire ? »

Don Rafael se leva enfin après un dernier adieu.

« Que vos lèvres pressent les lèvres de vôtre fiancée, dit la jeune fille en inclinant la tête vers don Rafael, et que ce soit le gage… »

Sous l’ardente pression des lèvres du jeune officier, sa voix mourut, et, à bout de forces, elle laissa retomber sa tête en arrière sur le dossier de son siège, prête à défaillir à la fois de douleur et de bonheur.