Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nait là, tous attendirent que la lueur du falot fît savoir à Morelos et à Gago que tout était prêt.

De la hauteur où ils se trouvaient, le capitaine et l’Indien dominaient une vue immense ; le fort, la ville et l’Océan. À l’exception de la mer, tout était silencieux, et Lantejas cessa de regarder, malgré lui, la ville et le fort, pour promener ses regards sur la majestueuse étendue de la mer. Manuel Costal fit comme lui ; sur la mer aussi tout eût semblé dormir, si, de temps à autre, une traînée étincelante n’eût brillé sur la nappe noir des eaux.

« Il y a de l’orage dans l’air, dit l’Indien à voix basse, car la solennité de la scène paraissait ne pas permettre d’élever la voix. Voyez comme les requins de la rade brillent d’une lueur phosphorique sur la surface. »

En effet, une demi-douzaine de ces voraces animaux croisaient comme des pirates en quête d’une proie, en décrivant des cercles lumineux semblables à ceux des mouches à feu dans les herbes des savanes.

« Quel sort, croyez-vous, serait réservé, poursuivit le Zapotèque, à l’homme qui tomberait à présent au milieu de ces nageurs silencieux ? Combien de fois, cependant, quand j’étais pêcheur de perles, n’ai-je pas bravé ce danger, en plongeant en leur présence ! »

Don Cornelio ne répondit rien ; mais cette idée le fit tressaillir d’effroi.

L’Indien continua :

« C’est que j’étais jeune alors, et que les requins, non plus que les tigres, que j’ai chassés par profession plus tard, ne pouvaient rien contre celui qui doit vivre l’âge des corbeaux ; je vais avoir vécu bientôt un demi-siècle, et moi seul peut-être pourrais, à l’heure qu’il est, plonger parmi ces animaux carnassiers sans courir le moindre danger.

— Est-ce là le secret de votre intrépidité qui ne se dément jamais ?