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— Et après minuit ? demanda le général.

— Une tempête et une mer houleuse ; mais, avant minuit, la goëlette et l’île seront prises, reprit l’Indien.

— Je ne dirais pas mieux ! » s’écria le mariscal.

Il fut arrêté, séance tenante, que l’expédition serait commandée par les deux Galeana, l’oncle et le neveu. C’était une faveur que sollicitait le mariscal pour ce dernier. Puis le capitaine Lantejas commanderait une baleinière avec Costal sous ses ordres.

« Le brave don Cornelio ne nous pardonnerait pas de prendre l’île sans lui, » dit Galeana.

Le capitaine sourit d’un air martial, quoiqu’il n’eût pas trouvé mauvais le moins du monde qu’on l’eût exclu des dangers de cette expédition ; mais, selon son habitude, et conformément à l’énergique dicton espagnol : sacar de tripas corazon[1], il affecta de paraître enchanté qu’on songeât à lui faire cet honneur.

Les pronostics de Costal semblèrent devoir se vérifier de tous points : le temps fut sombre pendant toute la journée, qu’on employa en préparatifs pour le soir. Le soleil s’était couché au milieu d’épaisses vapeurs.

À huit heures environ, chacun prit place dans les embarcations, qui purent contenir, en s’y pressant beaucoup, environ quatre-vingts hommes.

Ces embarcations se composaient de trois grandes baleinières et d’un petit canot, le tout en assez mauvais état ; mais, comme c’était à cette époque la seule marine militaire que possédât l’insurrection, il fallait bien s’en contenter.

On poussa au large, les avirons soigneusement enveloppés de linges, pour faire moins de bruit dans l’eau. La nuit était si obscure, en effet, qu’on ne tarda pas à perdre de vue les hautes falaises du rivage et la silhouette noire du château.

  1. Mot à mot : « Tirer du cœur de ses boyaux ; » ce qui répond à notre proverbe : « Faire contre fortune bon cœur. »