Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/187

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avant de reprendre son vol ; c’était l’île en question, sombre, silencieuse et sans feux.

« Je crois qu’avec votre permission, seigneur capitaine, reprit Costal, nous ferons sagement de laisser les baleinières nous rejoindre pour demander au mariscal la permission de le devancer. Notre canot est assez petit pour nous aventurer à pousser seuls une reconnaissance près de l’île, d’où l’on découvrirait bien vite ces grandes embarcations.

— Volontiers. »

Et, sur l’ordre du capitaine, les rameurs laissèrent reposer leurs avirons. La première baleinière rejoignit promptement le canot ; c’était celle de Galeana.

« Qu’est-ce ? s’écria le mariscal ; avez-vous aperçu quelque chose ? »

Don Cornelio lui communiqua l’avis de Costal, qu’il trouva bon, et, pendant qu’à leur tour les trois barques faisaient halte, le canot reprit sa course vers l’île. Elle surgissait peu à peu au-dessus de la surface de la mer ; il était cependant impossible de rien distinguer encore à terre, au milieu de l’obscurité, si ce n’est la pointe aiguë des mâts et les vergues en croix d’un petit navire à l’ancre. C’était la goélette déjà signalée.

Les avirons, dont la garniture de linges mouillés amortissait le son, ne faisaient entendre contre leurs tolets qu’un faible grincement, aigu comme le sifflement du satanite[1], avant-coureur de l’orage, et ne troublaient même pas, en s’enfonçant dans l’eau, le léger murmure de la houle qui se soulevait comme une draperie d’un bleu noirâtre. Les requins, en continuant à suivre le canot, illuminaient de traînées de feu les ondulations de la mer. Partout, au large, les galères aux clartés phosphoriques brillaient sur la surface de l’eau ; on eût dit que le ciel, dont les nuages cachaient l’azur,

  1. Nom donné par les marins à l’hirondelle de mer.