Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/198

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lesquels, obligé à forcer sa route sur la droite, il fut ainsi mis malgré lui dans la bonne voie. Il allait devoir son salut à deux terribles ennemis acharnés contre lui.

Un cri de joie s’échappa de sa poitrine haletante à la vue des trois baleinières, qui tout à coup s’élevèrent devant lui en dansant sur la houle.

L’Indien poussa un second cri, un cri lui répondit. Alors, il ramassa ses forces défaillantes pour gagner les baleinières ; car, bien qu’on l’y eût entendu, on ne le voyait pas.

Malheureusement, les deux requins gardaient l’un la droite, l’autre la gauche de l’étroit chemin qu’il devait suivre pour arriver à la plus rapprochée des trois embarcations, et Costal eût épuisé à faire un détour ce qui lui restait de force. Il suivit son chemin tout droit.

Le couteau à la main, le cœur palpitant, Costal, prêt à enfoncer son arme dans la gueule du premier requin qui l’ouvrirait, effrayant ses voraces ennemis du geste et de la voix, longea, comme fait un navire en perdition à travers des récifs aigus, les deux masses noires aux ouïes phosphorescentes. Des yeux ternes et glauques laissèrent tomber sur lui des regards vitreux, puis les deux masses noires s’écartèrent.

Costal n’eut que la force de s’accrocher à l’une des baleinières, et quand les bras tendus vers lui l’y eurent halé épuisé, le cœur sans battement, il demeura évanoui.

Sa présence racontait assez évidemment la triste histoire du canot. Costal, eût-il eu sa connaissance, n’eût pu rien ajouter à l’évidence ; voilà ce que pensa le mariscal à son aspect.

« Ne cherchons plus le canot, messieurs, dit-il ; allons droit sur l’île. »

Puis ôtant son chapeau ;

« Prions, continua-t-il, pour l’âme de nos malheureux camarades, pour le capitaine Lantejas surtout ; nous perdons en lui un vaillant officier. »