Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/216

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se fit entendre, et les boulets sillonnèrent l’eau en sifflant. Tout à coup don Cornelio poussa un cri.

« Vous êtes blessé, Lantejas ? » cria Galeana.

Avant que don Cornelio eût le temps de répondre, un coup d’œil du mariscal lui fit voir que l’ex-étudiant était sain et sauf.

Un corps mutilé s’affaissait à côté de lui : c’était celui du capitaine Salas, dont un boulet venait d’emporter la tête. Don Cornelio ne faisait qu’essuyer le sang qui avait rejailli sur lui.

« Capitaine du diable ! dit le mariscal en désignant le San-Carlos. Mes amis, vengeons le brave Salas. En avant ! »

La yole qui portait le mariscal, l’Indien zapotèque et le nègre, s’élança rapidement en tête des autres embarcations au milieu d’un cri universel de douleur pour un officier que sa bravoure faisait aimer, et qui portait le premier la peine de la témérité qu’il avait conseillée. La fatale décharge du brick espagnol, qui avait repris sa route, ne fit qu’animer les insurgés. Les rameurs se courbèrent sur leurs avirons, et les barques, rangées sur la même ligne, luttèrent à qui arriverait la première, comme dans une joute sur un lac.

Quoique le capitaine Lantejas n’eût pas l’humeur guerrière, l’enthousiasme général l’avait gagné, nous l’avons déjà dit. Animé par l’idée qu’il allait combattre sous les yeux de la foule nombreuse et amie qui se pressait sur la plage, excité par les fanfares qu’envoyaient à l’écho les cors et les trompettes du rivage et du fort, une noble émulation s’empara de lui, et, pour la première et la seule fois de sa vie, il conçut l’âpre et sauvage volupté du soldat qui ne se plaît qu’au sein du carnage. C’était aussi au bruit de ces fanfares et au milieu de clameurs guerrières que les barques mexicaines bondissaient sur l’eau. Elles poursuivaient leur course rapide, lorsqu’on vit les six barques espagnoles se placer