Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/230

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À cette vue, tout lui fut révélé, le nom de l’homme et celui de son bourreau. Lantejas allait fuir épouvanté, mais des voix qu’il entendit résonner distinctement dans le fond du ravin le retinrent immobile.

Au delà et en deçà du pont, la lune jetait sur les deux sommets du voladero, dépouillés de végétation, de si brillantes clartés, qu’il n’aurait pu les traverser sans être aperçu. Dissimuler sa présence n’était pas possible ; mais il pouvait, caché derrière le parapet de maçonnerie, disputer l’entrée du pont à dix hommes, et, malgré l’horreur que lui inspirait son effrayant voisin, il se blottit au-dessous de lui et attendit de nouveau. Son attente ne fut que d’un moment, mais d’un moment bien pénible, pendant lequel le cadavre se balançait au-dessus de lui en faisant craquer sous son poids, avec un bruit funèbre, la corde autour du poteau, tandis que le falot rouillé, secoué sur sa poitrine, rendait un son non moins lugubre. Ce moment, disons-nous, fut court ; car presque aussitôt deux voix connues appelèrent le capitaine par son nom, et Costal et Clara se montrèrent, sortant du fond du ravin à peu de distance de lui.

Après les premières félicitations adressées à Costal, qu’il retrouvait à son grand bonheur plein de force et de vie :

« Vous saviez donc, lui dit le capitaine, qui était le mystérieux personnage au capuchon bleu ?

— Non, répondit Costal, mais cette particularité m’avait donné des soupçons. Je concevais cette précaution de la part de Gago ; le coupable déguise toujours ses traits autant qu’il le peut. Aussi, quand j’eus aperçu sur l’un des canots espagnols un homme ainsi encapuchonné, je m’attachai à lui : un coup de vent rabattit sa bayeta, et je reconnus le traître. J’ai fait des efforts prodigieux pour qu’il ne m’échappât pas ; j’y ai réussi, et lorsqu’il s’est jeté à la mer…

— Je vous ai vu vous y jeter aussi, répliqua le capi-