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ment d’une grande ville, préféra de se retirer à Oajaca.

Le jour du départ, Gertrudis avait refusé la litière qu’on lui avait préparée ; elle avait mieux aimé faire seller pour elle le cheval qui tant de fois avait porté don Rafael, et, comme si le fougueux Roncador eût senti qu’il portait l’objet le plus cher à son ancien maître, il se laissa aussi docilement conduire pendant tout le trajet par la main frêle de Gertrudis que par la main vigoureuse du capitaine.

Insensible à toutes les distractions qui lui étaient offertes, Gertrudis avait passé de longs et tristes jours à Oajaca. Elle n’y avait goûté qu’un seul moment de bonheur : ce fut quand la voix publique lui apprit que le colonel Tres-Villas, après s’être emparé de la ville d’Aquas Calientes, y avait fait raser la tête à quatre cents femmes.

Comme l’avait dit le colonel Trujano, instruit de cette particularité par Marianita, dont le mari l’avait reçu un jour entier à San Carlos, cette nouvelle l’avait fait tressaillir de bonheur et d’orgueil.

Elle seule avait deviné, au milieu de l’étonnement général causé par cette étrange rigueur, que don Rafael n’avait pas voulu qu’elle seule eût à pleurer la perte de sa chevelure. Don Rafael l’aimait donc toujours, puisqu’il lui envoyait cette consolation comme un gage de son souvenir.

Gertrudis s’était cependant vivement reproché ce sentiment de bonheur égoïste.

« Pauvres femmes ! se dit-elle en peignant les boucles d’ébènes qui avaient remplacé ses longues tresses dont le flot parfumé tombait jadis sur ses épaules ; elles n’ont pas eu comme moi le bonheur d’offrir leur chevelure pour la vie de leur bien-aimé ! »

Puis les mois avaient succédé aux mois sans qu’on pût savoir ce qu’était devenu don Rafael, et les joues pâles de Gertrudis, le cercle bleu qui entourait ses yeux,