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Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/342

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ou dépéris, et les fait sortir de leur retraite en frappant sur le tronc à coups redoublés de son bec.

Le bruit que venait d’entendre le colonel était comme une voix amie qui lui disait que, du côté d’où elle partait, aucune créature humaine ne troublait la solitude de la forêt.

Don Rafael, guidé par les coups cadencés que continuait de faire entendre l’oiseau solitaire, se dirigea vers lui. Il était encore à quelque distance de son arbre, quand le pivert, effrayé par sa présence, s’envola à tire-d’ailes.

Le fugitif s’arrêta et prêta l’oreille, et, à sa grande joie, il entendit dans le lointain la voix de ses ennemis ; il avait été dépassé par eux, et, à moins qu’ils ne revinssent sur leurs pas, ce qui n’était pas probable, ils allaient le chercher dans le centre du bois qu’il venait de quitter.

Pour mieux les tromper et augmenter encore sa sûreté, il s’avisa d’une ruse indienne.

Il ramassa deux branches de gaïac sec, et, les frappant l’une contre l’autre, il imita à s’y méprendre, le bruit cadencé des coups de bec du pivert.

Maître maintenant de reprendre la direction qu’il avait été forcé d’abandonner, don Rafael s’avança rapidement vers le gué de l’Ostuta, s’arrêtant néanmoins de temps en temps pour faire dire encore à l’écho de la forêt le bruit tutélaire du bec de l’oiseau chasseur.

Après une heure de marche environ, le colonel s’arrêta pour cueillir quelques-uns de ces fruits sauvages dont il avait été forcé jusqu’ici de se priver, de crainte de perdre un temps précieux à son salut. Pendant qu’il trompait ainsi sa faim et sa soif avec quelques anonas[1], il prêtait l’oreille avec délices à ces mille bruits vagues et indéfinissables qui n’interrompaient qu’à peine le profond silence qui régnait autour de lui.

  1. Fruit de l’anonier.