Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/356

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Mais comme, à tout prendre, il la sentait encore sur ses épaules, il crut que le nègre extravaguait.

« On vient de me le dire, du moins, repartit Clara avec une gambade. Voyez, si vous savez lire. »

Le capitaine put lire en effet, malgré l’obscurité croissante, une inscription grossière tracée autour d’une des têtes : Esta es la cabeza del insurgente Lantejas (ceci est la tête de l’insurgé Lantejas).

On se rappelle que le Gaspacho avait annoncé à Arroyo qu’un de ses lieutenants, du même nom que le capitaine, avait été tué, et que sa tête était exposée à la vue des passants.

Don Cornelio détourna les yeux du hideux spectacle de la tête de son homonyme, et, maudissant de nouveau son nom malencontreux de Lantejas, s’empressa de s’éloigner. À mesure cependant que la distance entre lui et l’hacienda augmentait, sa terreur diminuait, et il finit par sourire mélancoliquement de cette triste homonymie, tandis que Clara continuait à trouver que rien n’était plus plaisant.

La nuit était venue, et le silence profond au milieu duquel les voyageurs cheminaient, joint à la perspective de se trouver dans moins d’une heure face à face avec le sanguinaire Arroyo, frappait l’esprit du capitaine de noirs pressentiments.

Sans la crainte de laisser soupçonner à Costal les terreurs qui l’agitaient, il eût volontiers remis au lendemain son entrevue avec le guerillero tant redouté. Mais l’Indien et le nègre gardaient, en s’avançant, une contenance si indifférente, qu’il eut honte de paraître moins brave que ses deux compagnons d’aventures.

Les événements devaient du reste faire bientôt, cesser son hésitation. À l’extrémité d’un sentier qu’ils suivaient, le fleuve apparut bientôt aux yeux des trois cavaliers.

Autant le matin même le gué de l’Ostuta offrait un