Page:Gabriel Ferry - Costal l'Indien, 1875.djvu/65

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plante des pieds jusqu’aux racines dé ses cheveux crépus.

« Êtes-vous prêt. ? dit Costal en le joignant.

— À quoi ?

— À m’accompagner jusqu’à la chute d’eau et à y invoquer, comme je vous le dirai tout à l’heure, la divinité qui s’y laissera voir.

— Là-bas, à la cascade, où les tigres rugissent ? dit le nègre effrayé.

— L’or est à ce prix, répliqua Costal.

— Allons ! s’écria le nègre après un moment de silence ; je suis dès aujourd’hui le serviteur du génie des placers d’or. »

L’Indien ramassa sa carabine et son chapeau, et Clara, drapant autour de lui la pièce de calicot grossier qui lui servait de manteau, se mit sur les pas de Costal en le serrant de près, partagé entre la crainte et la cupidité.

Tous deux commencèrent à suivre le cours de l’eau qui les conduisait vers l’endroit où grondait la cascade.

À mesure qu’ils avançaient, les berges de la rivière devenaient plus escarpées et se rapprochaient davantage l’une contre l’autre ; les arbres des deux rives formaient, en croisant leurs cimes, une voûte épaisse et sombre. Les eaux, resserrées dans un lit étroit, hérissé de rochers, et dont l’inclinaison devenait de plus en plus rapide, bouillonnaient à la surface. Le sol manquant tout à coup, le torrent tombait en cataracte de cent cinquante pieds de hauteur au fond d’un ravin profond, avec un fracas épouvantable, auprès duquel le bruit de l’Océan en fureur, qui brise sur nos falaises en roulant les galets du rivage, ne semble qu’un faible murmure.

Blanche et terrible comme une avalanche, la cataracte s’élançait d’un cintre formé par les cimes entrelacées de deux ahuehuetes[1]. Leurs rameaux noirs et flexibles, les

  1. Espèce de cèdre qui croît dans les lieux humides. En indien, ahuehuetl veut dire seigneur des eaux.