Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/196

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« Sang-Mêlé ! s’écria d’une voix suppliante le Canadien, dont l’angoisse faisait taire l’orgueil, je m’humilie devant vous jusqu’à la prière ; s’il vous reste quelque pitié dans le cœur, rendez-moi l’enfant que vous m’avez enlevé. »

En disant ces mots, Bois-Rosé restait debout, exposé aux coups du bandit, tandis que Pepe, à l’abri derrière le tronc des sapins, lui criait vainement de prendre garde.

Un éclat de rire méprisant fut la seule réponse du pirate des Prairies.

« Fils d’une chienne enragée ! s’écria Pepe à son tour en s’avançant vers le métis le front découvert, et plein de la fureur que lui causaient l’humiliation et la douleur de son vieux compagnon, répondras-tu quand un blanc sans mélange te fait l’honneur de te parler ?

– Taisez-vous, je vous en supplie, Pepe, interrompit Bois-Rosé ; n’irritez-pas l’homme qui tient dans ses mains la vie de mon Fabian… Ne l’écoutez pas, Sang-Mêlé, la douleur exaspère mon compagnon.

– À genoux ! cria le bandit, et peut-être consentirai-je à vous écouter… »

À cet insolent langage qui fit frissonner Bois-Rosé, son noble front découvert se colora d’une épaisse teinte de pourpre.

« Le lion ne s’inclinera pas devant le chacal, dit vivement Pepe à l’oreille du Canadien, car le chacal se rirait du lion rampant.

– Qu’importe ! » répondit Bois-Rosé avec une douloureuse simplicité.

L’orgueil du guerrier qui n’eût même pas consenti à baisser le regard pour sauver sa vie était vaincu par la tendresse du père, et le rude coureur des bois s’agenouilla.

« Ah ! c’en est trop, bâtard d’un brigand et d’une coureuse indienne, rugit Pepe, le visage en feu, tandis