Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

stinct que par raisonnement. Ses talons se trouvaient à quelque distance du sol, quand l’ours, qui semblait évidemment donner la préférence à l’homme, se dressa sur ses pieds et effleura les éperons du cavalier de ses redoutables crocs, à peine moins longs mais plus acérés que les éperons eux-mêmes.

Échappé à l’attaque de l’animal, Diaz se rappela tout à coup l’agilité des ours à grimper au sommet des arbres pour y chercher les rayons de miel des abeilles sauvages, et il s’arrangea le plus commodément qu’il lui fut possible sur la fourche d’une mère branche. Éperonné, botté, la rapière à la main, le cavalier si singulièrement posté attendit l’ennemi, non pas précisément effrayé, car l’aventurier ne s’effrayait guère plus des bêtes que des hommes, mais le cœur ému et palpitant.

Diaz toutefois ignorait une circonstance particulière à l’ours gris des Prairies. À en juger par la longueur prodigieuse de ses griffes, l’ours gris, qui semble être le dernier de cette race gigantesque de creuseurs antédiluviens dont l’espèce a disparu, ne peut grimper aux arbres, comme les animaux de la même famille. Celui-ci dut donc se contenter de jeter un regard sur le cavalier, puis après sur le cheval expirant. Pour charmer ses loisirs et prendre patience, l’ours, dont l’exercice avait développé l’appétit, apporta le cheval au pied de l’arbre, et se mit à le dévorer.

Cela ne l’empêchait pas de jeter de temps en temps des yeux de convoitise sur l’aventurier, dont sans doute il lui eût bien convenu de faire le complément de son repas.

Pendant une partie de la nuit, Diaz entendit le craquement des os de son malheureux cheval ; puis il vit une énorme masse noire se coucher tranquillement au pied de son arbre. Cependant le sommeil commençait à alourdir ses paupières, et il cherchait en vain à le combattre ; accablé de fatigue, il fallut enfin qu’il cédât. L’aventurier s’attacha alors fortement autour de l’arbre avec