Page:Gabriel Ferry - Le coureur des bois, Tome II, 1884.djvu/502

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Le soleil descendait vers l’horizon, un léger zéphyr caressait de son souffle le feuillage des arbres ; déjà, voltigeant de branche en branche, les oiseaux reprenaient leur ramage, les insectes frétillaient sous l’herbe, le mugissement des bestiaux : se faisait entendre dans le lointain : c’étaient les hôtes de la forêt qui saluaient le retour de la fraîcheur.

Les deux dormeurs s’éveillèrent.

Après un court et substantiel repas, dont Gayferos avait apporté les ingrédients de l’hacienda del Venado, les quatre voyageurs attendirent dans le calme et le recueillement l’heure suprême.

Plusieurs heures s’écoulèrent avant que le ciel d’azur qui s’élevait au-dessus de la clairière se fût assombri.

Peu à peu cependant la clarté du jour diminuait à l’approche du crépuscule, et bientôt des milliers d’étoiles brillèrent au firmament, comme autant d’étincelles semées par le soleil après avoir achevé sa course ; puis enfin, comme ce soir objet de tant de souvenirs, où Fabian blessé arrivait au foyer du Canadien, la lune vint blanchir la cime des arbres et la mousse des clairières.

« Allumerons-nous du feu ? demanda Pepe.

– Sans doute. Quoi qu’il arrive, nous passerons la nuit ici, répondit Bois-Rosé. N’est-ce pas votre avis, Fabian ?

– Peu m’importe, répondit le jeune homme ; ici ou là-bas, ne sommes-nous pas toujours ensemble ? »

Fabian avait compris depuis longtemps, nous l’avons dit, que le Canadien ne pourrait vivre, même avec lui, au sein des villes, sans regretter toujours la liberté et l’air des déserts ; il savait aussi que vivre sans lui serait plus impossible encore, et il s’offrait généreusement en holocauste aux dernières années du vieux chasseur.

Bois-Rosé avait-il compris toute l’étendue du sacrifice de Fabian, et cette larme qu’il avait dérobée le matin n’était-elle pas une larme de reconnaissance ? Nous li-