Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/11

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la journée, il cesse aussitôt tout travail. Souvent aussi ses ressources précaires viennent à lui manquer. Tranquille alors et sans souci des voleurs, il s’étend, enveloppé de sa couverture déchirée, à l’angle d’un trottoir où sur le seuil d’une porte. Là, raclant sa petite mandoline, contemplant avec une sérénité stoïque le cabaret où le crédit lui est inconnu, il prête une oreille distraite au sifflement de la friture voisine, resserre plus étroitement la corde qui sangle son ventre, déjeune d’un rayon de soleil, soupe d’une cigarette et s’endort sans penser au lendemain.

J’avouerai ma faiblesse : parmi cette foule oisive et bruyante qui m’attirait chaque soir sur la plaza Mayor, mon attention négligeait volontiers l’élite des promeneurs pour s’arrêter sur les groupes déguenillés qui m’offraient une expression à la fois plus triste et plus vraie de la société mexicaine. Je n’avais jamais, par exemple, rencontré un lépero, dans tout le pittoresque délabrement de son costume, sans me sentir l’envie d’observer de plus près cette classe de bohémiens qui me rappelaient les plus étranges héros des romans picaresques. Il me semblait curieux de comparer ce fils impur des grandes villes aux sauvages aventuriers que j’avais rencontrés dans les bois et les savanes. Pendant les premiers temps de mon séjour à Mexico, je