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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/152

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touraient le tapis vert sur lequel les piastres roulaient avec un bruit métallique fort engageant. Le licencié passa devant ses deux clients, l’Américain et le Mexicain, en leur faisant signe de l’attendre, et alla droit à un jeune homme qui, debout parmi les spectateurs, attachait sur le tapis vert des regards ardents. Ce jeune homme, à la mine hâve et jaune, portait sur ses cheveux longs et gras un petit chapeau presque sans bords, et sur ses épaules un caban usé. C’était le beau idéal du clerc de procureur regrettant de ne pouvoir jouer sur une carte toute la fortune de son patron.

— Ortiz, dit le licencié en lui frappant sur l’épaule, avez-vous ce qu’il faut pour écrire ?

— Sans doute, répondit le clerc, et il tira de sa poche un rouleau qui contenait papier, plumes et encre. Le licencié s’assit à l’écart, écrivit quelques lignes, plia le papier et le remit à son clerc, qui ne répondit aux instructions données par son maître à voix basse qu’en inclinant la tête et en parlant au plus vite. Le licencié me pria alors de vouloir bien prendre patience encore quelques minutes, pendant qu’il allait donner à ses deux clients la consultation promise, et je me mêlai à la foule qui se pressait autour du tapis vert. C’était, après tout, un piquant spectacle que celui de cette réunion d’aventuriers de toute espèce, parmi lesquels