Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/168

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s’adossant pour reprendre haleine à la balustrade de la terrasse.

— De qui parles-tu ? lui demanda le licencié.

— De l’Américain ! Il est en train de vider sa troisième bouteille d’eau-de-vie, et il entonne à haute voix ce qu’il appelle son chant de combat. C’est un Indien féroce sous la peau d’un blanc ! Il compte toutes les chevelures qu’il a enlevées, tous les meurtres qu’il a commis, et croiriez-vous qu’il prétendait ajouter la peau de mon crâne à son trophée de scalpeur ! Je vous le répète, cet homme est le diable il pue le sang à plein nez.

– Te voilà devenu bien prude ! répondit le licencié, qui avait repris vis-à-vis du Mexicain son rôle de ricaneur inflexible, et depuis quand l’odeur du sang te répugne-t-elle ?

C’était une gaieté terrible que celle de don Tadeo. La question qu’il venait d’adresser au Mexicain remua chez celui-ci une haine brutale et féroce, mais comprimée comme celle du tigre dompté contre son gardien. Don Tadeo ne parut pas remarquer l’impression qu’il avait causée ; il sembla, au contraire, se plaire à irriter le misérable qu’il tenait haletant sous sa parole froide et incisive. Une allusion à l’attentat du parc vint m’expliquer soudain ce redoublement d’amère ironie. J’avais devant moi l’homme dont le licencié