Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/211

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– Vous voyez, me dit-il, cette brume blanche qui amortit le feu des étoiles ! ces vapeurs sont celles qui, à la fin des jours les plus chauds, s’élèvent des lacs, des ruisseaux et des chutes d’eau. Croyez-vous possible qu’à la voix de certaines créatures mortelles comme nous, cette brume uniforme, impalpable, étendue comme un voile transparent, se condense, se réunisse et nous offre l’image des amis qu’on a perdus ou des ennemis qu’on a tués ?

— J’en doute, lui répondis-je étonné de ce préambule, et je croyais que ces superstitions appartenaient seulement à nos tristes pays septentrionaux, où les âmes cependant ne devraient guère être tentées de revenir après la mort.

– Ici, reprit Calros d’un ton solennel, les esprits ne redoutent pas le séjour des vivants, ils aiment à hanter les bois et à se balancer sur les lianes fleuries ; mais je vous vois sourire. Parlons d’autre chose. Avez-vous vu ce soir ña Sacramenta.

— Cette belle jeune fille au diadème de fleurs et de vers luisants ?

– Elle-même ; elle est bien belle, n’est-ce pas ? il y a six mois environ, dans une fête à laquelle, par hasard, je n’assistais pas, une querelle s’engagea à son sujet, il s’ensuivit mort d’homme ; le meurtrier joua des éperons et se sauva. L’homme