Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/253

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masse noire d’un vaisseau qui s’avançait à sec avec autant de rapidité que s’il eût été couvert de toute sa voilure. Il semblait ne pouvoir échapper à sa perte ; cependant, disait-on autour de moi, une chance de salut lui restait : il fallait qu’il parvînt à s’engager dans un canal voisin du lieu où nous étions pour venir ensuite échouer sur le sable le plus doucement possible, tandis que, s’il abordait contre les rochers, il devait s’y briser infailliblement. Nul ne pouvait malheureusement, au milieu des lames qui avaient déplacé complétement les limites de la plage, discerner avec exactitude l’étroite ouverture du canal en question ; dès-lors il fallait renoncer à allumer des feux, qui auraient pu égarer le navire ; on devait se borner à des manœuvres stériles.

Toutes les manœuvres du bâtiment ne semblaient tendre qu’à éloigner le moment critique où il devrait se hasarder dans la direction du canal caché par les vagues, s’il ne préférait prolonger une lutte évidemment inutile. Tantôt il présentait à la lame un de ses flancs, tantôt il fuyait devant l’ouragan et se dirigeait vers la terre. Tout à coup un cri de joie retentit et domina le bruit de la tempête : à une portée de canon de l’endroit où les spectateurs étaient réunis, un fanal brillait d’un vif éclat. Un homme courageux s’était-il dévoué pour indiquer la passe ? À bord du