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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/31

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paysage que l’on voit du haut de la cathédrale : ce sont encore les deux pics neigeux des volcans avec leurs panaches de nuages, la sierra nuancée de tons violets, et au bas, les façades blanches de quelques haciendas, des champs de maïs entrevus à travers les arches du gigantesque aqueduc, enfin quelques dômes d’églises et de couvents presque toujours noyés, à l’heure de la promenade, dans les vapeurs lumineuses du soir.

C’était le soir aussi, le soir du jour où j’avais assisté à la course de taureaux, où je m’étais mêlé à la foule des oisifs qui couvre ordinairement l’espace compris entre le Paseo et l’Alameda. La nuit commençait à le disputer au jour ; les réverbères allaient être allumés, les promeneurs à pied et en voiture regagnaient rapidement leurs demeures. C’était un dimanche. Bruyamment répétés par les cloches sans nombre des églises et des couvents, les tintements de l’Angelus dominaient le bourdonnement de la foule, dont une partie s’arrêtait avec respect, et dont une autre se précipitait comme un torrent qu’aucun obstacle ne peut retenir. Le jour, qui jetait ses lueurs à travers la grille de la morgue, n’éclairait plus que faiblement les victimes qui gisaient pêle-mêle sur un lit de maçonnerie souillé de larges plaques de sang. En vain repoussées par des soldats qui les envoyaient pleurer plus loin, des