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Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/63

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ce drap sanglant m’était insupportable. Peu à peu cependant je me rassurai, et, m’armant de courage, j’allai soulever un coin du drap funèbre. Je n’eus pas de peine à reconnaître la victime. Sa belle et pâle figure, son front marqué d’une longue et mince cicatrice, avaient laissé dans ma mémoire une trop profonde empreinte. Les plantes marécageuses et le limon verdâtre qui souillaient ses vêtements me rappelaient aussi quel avait été le théâtre du crime. C’était bien là l’homme que j’avais vu si vaillamment mourir, que je savais devoir être si tendrement pleuré. Je laissai le drap retomber sur cette noble victime.

Vingt jours environ s’étaient écoulés sans qu’aucune suite eût été donnée à ma déplorable affaire, et il ne m’était resté de mes aventures nocturnes qu’une horreur invincible pour toute la classe des léperos, quand je reçus l’ordre de comparaître devant un alcade inconnu. Un homme d’une quarantaine d’années, et qui m’était non moins inconnu que l’alcade, m’attendait à la barre.

— Seigneur cavalier, me dit cet homme, je suis celui que votre seigneurie a presque tué, et, comme cet accident a entraîné une incapacité de travail pendant quinze jours, vous ne trouverez pas mauvais que je vous demande une indemnité.

– Non, certes, dis-je, assez satisfait de voir que