Page:Gabriel Ferry - Les aventures d'un Français au pays de Caciques, 1881.djvu/95

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tement bouffon que cette cohue d’hommes déguenillés, les uns portant, à défaut de christs, de petites images de saints ou de saintes, d’autres, moins heureux encore, obligés d’arborer, faute de mieux, des drapeaux fanés, des oripeaux ternis et jusqu’à des cages à poules. Nous nous agenouillâmes respectueusement devant ces affreuses représentations, tandis que la procession traversait lentement la rue, et ce bizarre assemblage d’objets hideux et disparates, de figures grotesques, de corps à moitié nus, éclairés d’une lumière rougeâtre et entrevus à travers l’épaisse fumée des torches de sapin, nous laissa, en s’éloignant, l’idée de quelque vision infernale plutôt que celle d’une fête religieuse.

Nous arrivâmes à la maison de l’alcade. La physionomie sinistre de ce magistrat de race indienne n’était pas faite pour nous tranquilliser. De longs cheveux grisonnants encadraient sa figure sillonnée de rides profondes, et tombaient jusqu’au milieu de son dos ; des bras musculeux sortaient des manches de sa tunique à manches courtes ; ses jambes sèches et nerveuses n’étaient couvertes qu’à demi par les canons flottants de ses culottes de peau. Pour toute chaussure, il portait des sandales de cuir. Ainsi vêtu, ce singulier personnage trônait avec une fierté comique sous une espèce de dais formé de branchages de laurier odorant. Les