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pas même suffisante. De grands éclats de rire partirent du milieu des jeunes femmes qui ne l’avaient jamais vue ; elles se crurent en société de bohémienne, devinant bien que la vieille aventurière attendait la charité de la traversée. Elle en fut quitte pour quelques cajoleries moqueuses : — Belle fée, les chouettes se noient sur l’eau ; gare à vous, lui disaient les rameurs. — Puis on la prit. Elle ne répliqua pas et se contenta de s’envelopper de la gravité de son âge. Un instinct de pitié poussa la fiancée à choisir son vis-à-vis. La nomade Corvény fut singulièrement flattée de se trouver ainsi au rang d’honneur. La bonne jeune fille la prit sous sa tutelle et les moqueurs se turent. La vieille errante, plus insensible que le marbre aux folâtreries qui se propageaient sur les bancs des nacelles, puisa de l’eau dans le creux de sa main, en mouilla ses lèvres, puis se mit à compter quelques grains de chapelet, et, laissant tomber sa tête, parut s’assoupir.