Page:Gagneur - Le Calvaire des femmes 1.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant cette scène avait vivement impressionné tous les assistants.

Quand la réunion fut au complet, les ouvriers se comptèrent. Ils étaient trente. Chacune des principales filatures de Lille avait un représentant.

Gendoux se leva.

Sa tête rejetée en arrière n’avait point le flegme des gens du Nord. Elle accusait au contraire une rare énergie. Un feu méridional éclatait dans ses yeux noirs et perçants.

En 1848, membre d’un club, il s’était acquis une réputation d’orateur. Dans toutes les circonstances où s’agitaient les intérêts des ouvriers, c’était lui qui portait la parole. Il passait pour un esprit turbulent, dangereux.

C’était un homme juste, intelligent, aimé et respecté de ses camarades. On l’écoutait avec déférence. Il possédait réellement quelques talents oratoires. Sa parole, vive, expressive, frappait juste et fort. Il avait de la mise en scène, un geste abrupt, éloquent.

Son discours fut à la fois une revendication énergique des droits du travail et un exposé douloureux et sévère des misères morales de la manufacture.

Ce discours, qui rappelait un peu trop les déclamations révolutionnaires de 1848, fut cependant ce qu’il pouvait être de la part de cet ancien clubiste, de ce père mortellement offensé dans ses plus chères affections. Sans doute il ne prit guère de précautions oratoires pour stigmatiser l’injustice de certaines conventions, de certains privilèges. Il fut acerbe dans sa critique, et se montra d’une exigence relativement excessive dans ses réclamations.

Se basant sur les prétentions de quelques corporations ouvrières d’Amérique qui réduisaient à huit heures par