Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/18

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rière. — Curieuse étude psychologique ! Est-ce un de ces impérieux besoins du cœur dont Voltaire a dit :

    … Dans un besoin d’aimer,
Au plus indigne objet, on prodigue son âme !

Est-ce un effet de la vicieuse éducation que reçoivent en province les jeunes filles de la classe riche, chez lesquelles le déréglement d’une imagination désœuvrée et sans contrepoids cause souvent d’étranges déviations ? Est-ce enfin une réaction de nos institutions toutes imbues d’égalité sur les mœurs jusqu’ici réfractaires de la noblesse ? — C’est peut-être un peu de tout cela.

Lorsque M. de Charassin avait annoncé pour la première fois à ses filles la prochaine arrivée de son pupille, le bel enthousiasme populaire d’Henriette était sinon passé, au moins entré en phase décroissante. Elle réfléchit alors sérieusement sur la nature et les conséquences de son intrigue avec Joseph Duthiou. Blessée à la longue par les vulgarités de son amant, elle commençait à comprendre qu’une solide sympathie ne pouvait s’établir que sur une certaine parité de l’éducation et des sentiments, sinon des positions sociales ; aussi accueillit-elle une union possible avec M. de Vaudrey, comme un moyen providentiel de sauvegarder à la fois son rang et sa dignité. Mais elle oubliait les promesses qu’elle avait imprudemment faites à Joseph et les ambitieux désirs qu’elle avait éveillés en lui.



III


Revenons maintenant à Paul de Vaudrey.

Voici, en quelques mots, son histoire : Orphelin dès son enfance ; envoyé à Paris pour son éducation, il y dissipa en quel-