Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/5

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gence ; sa figure, en un mot, n’offre aucun caractère de puissance et d’énergie. En effet, d’un esprit étroit et frivole, il se montre incapable de formuler une idée de quelque portée, et sa conversation n’est qu’un feu roulant de calembours surannés et d’anecdotes grivoises.

Au moment où commence notre histoire, c’était en 1842, par une de ces belles matinées du mois de mai où la nature prodigue ses parfums les plus suaves, ses chants les plus gais et ses plus vives couleurs, les filles de M. de Charassin se trouvaient réunies sous une tonnelle de rosiers et de chèvrefeuille. Les trois sœurs sont diversement belles, et ce joli groupe encadré de fleurs et tout resplendissant de fraîcheur et de jeunesse, contraste singulièrement avec le château, cette sombre demeure massive et décrépite qui paraîtrait devoir répandre sur ses habitants un reflet de sa vétusté séculaire.

La conversation des trois jeunes filles, ordinairement si joyeuse, est contrainte et parfois entrecoupée de longs silences. Une préoccupation tout à fait étrangère à leurs broderies semble les absorber, car elles prêtent, au moindre bruit, une oreille attentive, et de temps à autre relèvent la tête et portent leurs regards dans la direction du chemin pierreux, dont le jardin n’est séparé que par un mur à hauteur d’appui.

— En vérité, mademoiselle, dit enfin avec un accent railleur, celle qui paraissait l’aînée, on croirait, à voir la prétention de vos toilettes, que vous vous disposez à aller au bal. Tu fais de tes cheveux, ma chère Renée, un étalage vraiment ridicule ; tu ressembles assez, avec ces larges nattes, à