Page:Gagneur - Trois soeurs rivales.djvu/60

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répondre, car j’y ai fait très peu d’attention.

— Voyons, ma chère petite, ne sois pas timide avec moi ; il s’agit de ton bonheur, ainsi parle sans crainte et raconte-moi toutes tes impressions à l’égard de mon ami.

— Puisque vous le désirez, mon père, je vais tâcher de me les rappeler : M. de Morges m’a paru très gros et très rouge, il a une voix si désagréable que chaque fois qu’il me parle, il me fait tressaillir. Du reste, il ne m’adresse que très rarement la parole, mais en revanche, il pousse, à côté de moi, des soupirs qui soulèveraient des montagnes. Il me fatigue beaucoup depuis son arrivée ici, car je le rencontre souvent quand je désirerais être seule. En somme, je trouve qu’il a toujours l’air d’étouffer et qu’il est étouffant, ajouta Gabrielle avec malice, espérant, par cette dernière pointe, faire sourire son père, dont le front se rembrunissait à mesure qu’elle parlait.

Mais le désappointement de M. de Charassin lui ôta toute disposition à la plaisanterie.

— Gabrielle, reprit-il avec sévérité, vous semblez oublier que M. de Morges est mon ami.

— Mon père, j’ai parlé parce que vous l’avez voulu.

— Eh bien ! ma fille, je vais vous apprendre pourquoi M. de Morges soupire auprès de vous, et peut-être alors le trouverez-vous moins ennuyeux et moins étouffant. M. de Morges vous aime. Il nous a fait hier l’honneur de nous demander votre main, que nous lui avons accordée, sauf toutefois votre consentement.

MARIE GAGNEUR.


(La suite à demain)