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FEUILLETON DE LA PRESSE


du mercredi 7 août 1861


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TROIS SŒURS RIVALES

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XII



Revenons maintenant Gabrielle.

Cinq ans se sont écoulés depuis son mariage. Nous la retrouvons à Domblans, dans sa modeste chambrette d’autrefois. On aurait peine alors à reconnaître la fraîche jeune fille que nous avons dépeinte au commencement de cette histoire. Elle est assise sur une chaise longue : sa pose révèle toute une existence brisée. La pâleur morbide de son visage, son extrême maigreur, ses orbites creusées, son nez aminci, les os saillants de ses joues, ses lèvres étirées et décolorées ne permettent plus au souvenir de ressaisir les traits délicats, les gracieux modelés, la finesse d’expression que nous admirions en elle il y a quelques années. Gabrielle se meurt d’une asthénie causée par le chagrin. Tout ce qui lui reste de vie paraît s’être réfugié dans le regard. Ce profond regard bleu est parfois d’une puissance magique ; tantôt il s’allume d’un éclat extraordinaire, tantôt, il prend une expression extatique qui ferait croire que la ma-

  1. La reproduction est interdite. Voir la Presse des 24, 25, 26, 30, 31 juillet, 1er et 6 août.